lundi 26 janvier 2015

« L'ostéogenèse imparfaite, ce douloureux problème » Mieux comprendre la douleur due à une fracture

« L'ostéogenèse imparfaite, ce douloureux problème » comme dirait l'autre. Et bien justement, l'Autre, le Gens, n'a pas toujours conscience de la douleur – ou devrais-je dire des douleurs (une famille nombreuse) – qui accompagnent la « maladie des os de verre ».

Je lisais cet article : "L’ostéogenèse imparfaite, une pathologie douloureuse - Étude auprès de 35 enfants" (colloque UNESCO « La douleur de l’enfant, quelles réponses ? », 2001) et je suis tombée sur ça :
« Nous avons constaté ces difficultés à exprimer leurs douleurs surtout dans les formes graves, anciennes, dans lesquelles des fractures très nombreuses avaient eu lieu, sans prise en charge antalgique, avec un déni des douleurs par les soignants “arrête tes chichis”, “ça ne fait pas mal”, “tu n’as pas si mal que ça”... »
Certes : nous ne sommes plus en 2001, la prise en charge de la douleur a nettement progressé.. mais cette minimisation voire ce déni de la douleur a-t-il vraiment disparu ? J'en doute.

Bien des gens peinent à se représenter ce qu'est l'ostéogenèse imparfaite, car bien des gens n'y ont jamais été confrontés.
Et bien des gens, y compris dans le milieu médical, peinent à se représenter ce qu'est une douleur de fracture, car bien des gens ne se sont jamais rien cassé (et c'est tant mieux pour eux, notez).

L'univers du cinéma et des séries télévisées n'aide guère, avec des scènes récurrentes dans lesquelles un personnage avec une jambe cassée sautille ou marche à cloche-pied, ou utilise son bras cassé pendant une baston. C'TE. BLAGUE. 
Une fracture, c'est ignoblement douloureux. Ça vous cloue sur place. Vous ne pouvez plus bouger l'os brisé (à moins d'y être contraint parce qu'un T-800 vous poursuit, ou parce que vous êtes un bébé ou un enfant en bas-âge qui ne contrôle pas encore bien ses gestes) ; le moindre mouvement vous foudroie de douleur.

 Le Cri, Edvard Munch

Comment se représenter cette douleur quand on ne l'a jamais expérimentée soi-même ? C'est difficile. Ceux et celles qui se sont déjà cogné un orteil contre un coin de meuble ont une assez bonne (bien qu'insuffisante et incomplète) approche du phénomène : apparition brutale et fulgurance, parfois à tel point qu'au lieu de hurler de douleur, la respiration se bloque et fait place à de longues secondes de souffrance en silence, et en apnée.

En cas de fracture, cette douleur fulgurante se répète ; à chaque mouvement de la zone fracturée, à chaque contraction des muscles rattachés à l'os brisé, au moindre appui, c'est comme si vous vous cogniez encore et encore l'orteil contre un meuble.

Les seuls moyens de soulager la souffrance sont l'immobilisation de la fracture, et bien sûr : un traitement antalgique adapté.

Notons toutefois que :
* Même immobilisé, un membre fracturé reste potentiellement douloureux : on immobilise les os, pas les muscles ; ces derniers peuvent se contracter et relancer un épisode douloureux.

* Les antalgiques, même avec un dosage adapté à l'intensité de la douleur, n'agissent jamais tout de suite immédiatement là maintenant, en moins de dix secondes ; autrement dit : administrer des antalgiques c'est très bien, mais il ne faut pas oublier qu'en attente de leurs effets, la douleur persiste.

Ajoutons à cela que les personnes atteintes d'ostéogenèse imparfaite, non contentes d'être d'excellentes candidates aux fractures, sont aussi de formidables recrues pour les luxations (en raison d'une hyperlaxité, présente chez environ 70% des patients). Or, les luxations aussi c'est immensément douloureux.

Enfin : diverses douleurs chroniques peuplent le quotidien, résultant d'anciennes fractures, de déformations, de troubles digestifs..
« Dans les semaines qui suivent la première cure de biphosphonate, son activité physique s’améliore considérablement pour à nouveau se détériorer quelques semaines plus tard, un peu avant la deuxième cure prévue. L’enfant signale alors des douleurs diffuses, du dos, des membres et précise que ce sont les douleurs qu’il avait en permanence avant le début du traitement. Auparavant, cet enfant n’avait jamais évoqué de douleurs mais parlait de “fatigue”. Ce n’est que lorsqu’elles ont pour la première fois disparu qu’il a pu prendre conscience de leur existence. »

Et le prochain qui dit "Arrête tes chichis, ça ne fait pas si mal".. 




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« Il est bon d'apprendre à être sage à l'école de la douleur. »
Eschyle

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