dimanche 4 janvier 2015

Conseils pour la prise en charge de bébés atteints d'ostéogenèse imparfaite

La prise en charge d'un bébé – a fortiori d'un bébé grand prématuré comme c'est le cas de mes jumeaux – atteint d'ostéogenèse imparfaite (OI) n'est pas aisée. Encore moins lorsqu'on ne connait pas du tout, peu ou mal cette maladie.
Voici quelques conseils, issus pêle-mêle de ma propre expérience (en tant que mère de jumeaux atteints d'OI, et atteinte d'OI moi-même), de recherches diverses sur le web, ainsi que de moult discussions et protocoles / expérimentations / essais au sein des services de réanimation et de soins intensifs néonatals qui s'occupent de mes enfants.
Ces conseils s'adressent aussi bien aux professionnels du secteur médical, de la petite enfance, qu'aux parents.

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Avant-propos : la « maladie des os de verre »
« Les principales manifestations de l’ostéogenèse imparfaite sont liées à la fragilité osseuse avec des fractures à répétition, survenant à la suite de traumatismes bénins. Ces fractures intéressent les os plats (côtes, vertèbres) mais surtout le corps (diaphyse) des os longs, notamment des membres inférieurs. »
Il est incroyablement difficile de faire comprendre, de faire prendre conscience à quelqu'un qui ne connait pas (ou mal) cette maladie génétique rare à quel point le risque de fracture est grand, à quel point la fragilité osseuse peut être extrême, à quel point l'enfant peut se casser "pour rien". À quel point il faut faire très, très attention lorsqu'on le manipule, et même lorsqu'on se trouve simplement à proximité.

Et c'est bien normal de ne pas comprendre. Pour une personne valide, qui dit fracture dit choc. Pour un médecin, qui dit fracture dit (gros) traumatisme.
Mais ces évidences n'ont plus rien d'évident lorsqu'on se trouve face à une personne atteinte d'ostéogenèse imparfaite : au royaume de la « maladie des os de verre », (presque) tout peut devenir cause de fracture. Voici quelques exemples de fractures que j'ai eues durant l'enfance :

* en jouant aux cartes : fracture du poignet (on jouait au "Paquet de merde", il faut vite taper avec la main sur le "paquet" au milieu des joueurs ; on a été plusieurs à taper en même temps.. #EtLàCestLeDrame)

* balnéothérapie : fracture du fémur (un autre patient est passé près de moi en nageant ; il ne m'a pas touchée, mais le mouvement de l'eau a entrainé une torsion de ma jambe)

* en dormant : fracture du tibia (je me suis retournée, mon pied – coincé sous le "poids" d'une couverture – n'a pas suivi)

Voilà.
Voilà pourquoi il faut faire très, très attention lors de la prise en charge d'un enfant atteint de la « maladie des os de verre ». La manipulation lors d'une intubation peut briser les cervicales, ou la mâchoire. Un garrot trop serré peut briser l'os dessous. L'arête d'une cassette de radiologie, ou sa surface dure, peut occasionner une fracture. Maintenir "de force" (même si la pression exercée est faible) le bras replié contre le corps le temps de prendre la température peut aussi occasionner une fracture. De même pour une trop forte pression exercée sur les fesses lorsqu'on les nettoie. Une échographie abdominale peut casser des côtes, ou le bassin.

Un corollaire, évident mais il me semble utile de le rappeler, est l'imprévisibilité des fractures : les automatismes sont des ennemis, et il ne faut rien tenir pour acquis. Un même geste, pourtant effectué X fois sans problèmes, peut un jour engendrer une fracture : parce qu'on a pris l'habitude que tout se passe bien, parce qu'on a l'habitude d'effectuer ce geste, parce que la vigilance se relâche et que des automatismes prennent le relais.

Bref, face à un enfant présentant une ostéogenèse imparfaite (ou suspicion de), il faut repenser tous les protocoles de soin et d'intervention, même les plus banals comme un vaccin ou une prise de sang.


« L'enfer est pavé de bonnes intentions. »

Quand on prend (enfin) conscience de ce qu'implique la fragilité osseuse d'un enfant atteint d'OI, une réaction environ naturelle consiste : à vouloir le protéger, quitte à le couler dans un grand bain de plâtre avec uniquement deux trous (ou trois), juste de quoi laisser passer les lunettes à oxygène et une sonde gastrique.
Mauvaise idée.
D'une part, ce serait oublier bien vite l'odorante problématique du changement de couches et de la toilette.
D'autre part : certes, c'est une méthode efficace pour éviter les fractures ; mais je ne parierais pas sur son efficacité pour ce qui est du développement affectif et psychomoteur.

La hantise de provoquer une fracture ne doit pas entraver l'assistance médicale ni les soins auxquels cet enfant a droit. On ne laissera pas un enfant baigner dans son urine ou dans ses excréments pendant plusieurs heures pour réduire le nombre de changements de couches et donc de fractures éventuelles lors de ceux-ci. On ne limitera pas les contacts parents / enfant : on adaptera les gestes et le matériel (par exemple porter l'enfant non pas directement dans les bras, mais posé au préalable sur un matelas de micro-billes).

Et on ne cèdera pas non plus au chant (pourtant si rassurant en apparence) des sirènes de l'immobilisation :
« De façon générale, en cas de fracture, il faut assurer une contention la plus légère et la moins longue possible. Il faut éviter au maximum toute immobilisation prolongée qui aggraverait l’ostéoporose et majorerait le risque de fracture. (...) Par ailleurs, il faut traiter les douleurs, toujours présentes, par des analgésiques (médicaments contre la douleur). »
Ainsi, si l'immobilisation doit être courte et la contention légère en cas de fracture, il est évident que lorsqu'il n'y a pas de fracture.. il faut éviter l'immobilisation et les contentions. On ne protège pas un bébé fragile en l'empêchant de bouger ; on le protège (en partie) en adaptant son environnement pour qu'il ne se fasse pas (ou moins) mal : matelas de micro-billes, boudins rembourrés, couverture en tissu léger, cale-bébé..

À noter : prévoir à l'avance des attelles, voire une coque de maintien / soutien, peut être utile pour intervenir rapidement en cas de fracture, ou pour sécuriser un transport.

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Conseils pour la prise en charge d'enfants, bébés et prématurés atteints d'ostéogenèse imparfaite


* Éviter les frottements, les flexions et les rotations des membres

* Éviter de faire rouler la peau sur l'os 

* Éviter la position sur le ventre tant que l'enfant ne sait pas se retourner seul

* Faire très attention à la colonne vertébrale, aux cervicales et au bassin lors des manipulations

* Ne pas soulever ni porter l'enfant par sous les bras (risque de fracture des côtes, des bras, et risque de luxation de l'épaule)

* Porter l'enfant d'un bloc, une main sous les fesses et l'autre sous le cou et la tête, en veillant à maintenir l'axe tête-colonne-bassin

* Pas de membre ballant : soutenir tout (tous) le(s) membre(s) à la fois en proximal et distal

* "Relâcher doux" : lorsqu'on pose l'enfant ou lorsqu'on relâche le maintien de son corps / ses membres, le faire avec délicatesse

* Change : pour les nouveaux-nés ou bébés OI sévères, ne pas soulever uniquement les jambes et le bas du dos ; soulever l'enfant d'un bloc et le repositionner sur une couche propre

* Limiter le nombre de manipulations ; éventuellement superposer deux couches, ainsi il ne reste qu'à enlever la couche sale sans avoir besoin de manipuler l'enfant pour placer une nouvelle couche

* Ne mettre aucun drap sur l'enfant (qui ne doit pas se coincer un membre dedans), ou ne mettre qu'une épaisseur (un seul drap ou couverture, non replié(e), en tissu léger)

* Nouveaux-nés, jeunes bébés : pas de chaussettes ni de pantalons, risque de fracture en les enfilant

* Faire tous les soins avec des gestes très doux et lents ; penser aux gestes effectués, ne pas faire de gestes trop rapides par automatisme ; ne jamais forcer ou maintenir un mouvement ou un appui auquel l'enfant résiste 


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« Qui mieux que vous sait vos besoins ? Apprendre à se connaître est le premier des soins. »
Jean de La Fontaine

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